" Depuis 2014, cela n’a pas toujours été possible: dans le contexte de la guerre, les autorités ukrainiennes étaient parfois incapables de vérifier la citoyenneté, par exemple si les documents d’une personne étaient restés sur un territoire qui n'était pas alors contrôlé par les autorités ukrainiennes. Depuis 2022, cela est devenu totalement impossible: personne ne peut être expulsé vers l’Ukraine, ce qui signifie que garder ces étrangers dans un CDTCE est inutile ", ajoute Koulaeva.
Il est impossible de confirmer ou d’infirmer la citoyenneté ukrainienne d’une personne sans une réponse de Kyiv. Les défenseurs russes des droits humains ont demandé que les Ukrainiens sans papiers soient libérés des centres de détention temporaire, car ils ne peuvent pas être expulsés vers l’Ukraine, le pays ne les reconnaît tout simplement pas comme citoyens.
" Aucun autre pays ne pourra les reconnaître, à plus forte raison. La seule solution est de les libérer et de mettre fin à cette privation arbitraire de liberté ", affirme Stephania. " La détention dans un CDTCE n’a pas et ne devrait pas avoir de caractère punitif. Il s’agit d’une mesure dite provisoire. Mais pour les personnes qui n’ont pas pu récupérer leurs documents, le CDTCE était devenu jusqu'à récemment une prison à durée indéterminée. Nous avons toujours soutenu que cette mesure était insensée et cruelle et qu’elle n’avait aucun fondement juridique lorsqu’une personne ne peut pas être expulsée ".
Il n’existe pas de statistiques permettant de déterminer avec certitude le nombre de citoyens ukrainiens actuellement détenus dans des centres de détention temporaire en Russie. Toutefois, au cours des premiers mois de la guerre en 2022, Eva Merkatcheva, membre du Conseil présidentiel russe pour les droits humains,
affirmait que plus de 350 Ukrainiens se trouvaient dans les centres de détention provisoire et les centres de détention spéciaux de Moscou. Il est possible que ce nombre ait augmenté ou, du moins, qu’il n’ait pas changé au cours des deux années de guerre, étant donné que tous les prisonniers ukrainiens libérés (tant ceux qui purgent une peine en Russie que ceux qui sont amenés depuis les territoires occupés) sont transférés directement des colonies pénitentiaires aux CDTCE.
Il est impossible de savoir combien d’Ukrainiens détenus en Russie n’ont plus de documents. Cependant, lors de la préparation de cet article, le correspondant de " Tcherta " a pu s’entretenir avec six personnes qui étaient dans des centres de détention temporaire ou en avaient récemment été libérées, qui lui ont dit que tous leurs documents avaient été perdus, soit au cours de l’enquête, soit dans les lieux de détention.